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Un
Dieu qui s'approche nous ferait-il
peur ?
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Dieu est Saint. La sainteté de Dieu ne peut faire alliance avec le mal, le péché. Il n'y a pas de confusion possible entre la sainteté divine et le péché de l'homme, mais séparation radicale. Toute la Bible en témoigne. Pourquoi l'homme se cache-t-il devant Dieu ? (Gn 3,2) Caïn, le premier meurtrier du monde, se cache loin de la face de Dieu (Gn 4,14). L'homme pécheur ne connaîtrait-il la sainteté de Dieu qu'à travers la peur ? Au Sinaï, la montagne sacrée est délimitée. Le peuple ne peut la franchir. Il est tenu à distance pendant que Moïse monte à la rencontre de Dieu (Ex 19,21-24). Isaïe devant la sainteté de Dieu qui se révèle connaît l'effroi : « Malheur à moi, je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au sein d'un peuple aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, le SEIGNEUR Sabaot.» (Is 6,5) Mais alors, la sainteté de Dieu établirait-elle entre Dieu et l'homme une distance infranchissable ? Et comment l'homme ne serait-il pas tenté d'en dresser devant lui, pour mieux s'en protéger, une image redoutable ? L'homme ne trouve-t-il pas dans cette sainteté une raison de se tenir à distance de Dieu ou peut-être même de tenir Dieu à distance de lui ? Telle est, semble-t-il, la tentation que Jésus affronte dès la première étape de l'Évangile, pour la vaincre et continuer d'annoncer : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu s'est approché. » (Mc 1,15) Lisons dans Marc le récit de la première journée à Capharnaüm. (1,21-28) Après son baptême et l'appel des quatre premiers disciples, Jésus pénètre dans la synagogue de Capharnaüm, le jour du sabbat. Nous sommes là dans le temps et l'espace spécifiquement religieux. Aussitôt il enseigne. Son enseignement est plein d'autorité, c'est-à-dire qu'il est reçu comme une parole qui appelle à vivre, qui rejoint les gens dans leur existence, qui est créatrice. Enfin la parole de Dieu touche les gens. On dirait que Dieu s'est approché d'eux. Dans cet enseignement de Jésus se réalise l'annonce qu'il vient de faire : « Le royaume de Dieu s'est approché. » Comprenons : il n'est pas devenu plus proche dans le temps, mais il s'est approché des hommes ; il fait irruption dans leur espace humain. Jésus est le révélateur de cette proximité inattendue de Dieu. Il est la proximité même de Dieu. Avec son enseignement commence quelque chose qui va embraser la terre. Voilà justement la menace que fait peser cette entrée du Seigneur sur un système religieux bien mis en place et qui "fonctionne" au profit de ce "nous" au nom duquel parle l'homme possédé : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ? » (Mc 1,24ab) La menace a été perçue par ce collectif qui noyaute l'assemblée et qui se sent déstabilisé. Jésus est donc violemment pris à parti, comme fauteur de troubles. Il s'ensuit un surprenant remue-ménage dans la synagogue et une scène pleine de confusion qui doit nous alerter sur un enjeu caché. Pour les adeptes d'un système religieux fonctionnant sur de fausses images de Dieu, quel recours avoir devant l'irruption de l'autre royaume, celui de la proximité de Dieu ? Quel recours ? sinon de mobiliser les peurs ancestrales et de faire lever l'effroi devant la sainteté divine ? Le cri du possédé est certes un cri d'effroi : "Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ! " (Mc 1,24) Il est surtout habile. Il est rusé. Cela paraît être une confession de foi. Étrangement, c'est même la première de cet évangile de Marc. Mais c'est une fausse confession de foi qui tente de tenir en échec la venue de Dieu parmi les siens. Voilà pourquoi la réponse de Jésus est foudroyante : « Tais-toi et sors de lui ! » (v.25) Sa parole réalise ce qu'elle dit. L'esprit impur déguerpit en grand tapage du domaine religieux qu'il s'était approprié. La parole de Dieu reprend ses droits, qui vient réconcilier l'homme avec Dieu. Elle est reconnue : « Un enseignement nouveau, donné avec autorité. » (v.27) Ainsi, en un éclair, au premier moment de la mission, l'affrontement de Jésus avec l'esprit impur a éclaté et l'enjeu s'est fait jour. Car la tentative du "démon religieux" n'est rien moins que d'enfermer Jésus dans le sacré, de creuser autour de lui la distance, d'empêcher les hommes d'aller à lui. Mirage religieux du sacré pour neutraliser la proximité évangélique. Tactique religieuse subtile pour éconduire Dieu de la vie des hommes. Dès Capharnaüm, s'engage le combat de l'Incarnation. Dans l'Incarnation, le vrai visage de Dieu nous est manifesté. Du coup, les fausses images sont ébranlées. Les faux-semblants religieux sont démasqués. Dieu se fait proche de nous en son Fils Bien-Aimé. En Lui, nous le connaissons vraiment. Il vient prendre pleinement notre condition humaine, portant sur lui notre mal et notre péché. En lui, Dieu se laisse approcher, afin de nous rendre saints comme lui, le Fils, est Saint.
Pour poursuivre la réflexion Mc 3,11 : « Et les esprits impurs, lorsqu'ils le voyaient, se jetaient à ses pieds et criaient en disant : "Tu es le Fils de Dieu ! " Et il leur enjoignait avec force de ne pas le faire connaître. » Y a-t-il des proclamations intempestives qui faussent l'Évangile ? Mc 7,6 : à propos de certaines pratiques légalistes sur le pur et l'impur qui travestissent la sainteté de Dieu : « Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. » Lc 5,8.10 : après la pêche miraculeuse, Simon-Pierre est tenté de mettre de la distance entre lui et Jésus : « Éloigne-toi de moi, je suis un homme pécheur. » Jésus au contraire lève sa peur et l'engage dans la mission : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
Textes bibliques La proximité du royaume de Dieu (Mc 1,21-28) 1 Ils pénètrent à Capharnaüm. Et aussitôt, le jour du sabbat, étant entré dans la synagogue, il enseignait. (21) Et ils étaient frappés de son enseignement, car il les enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes. (22) Et aussitôt il y avait dans leur synagogue un homme possédé d'un esprit impur, qui cria (23) en disant : "Que nous veux-tu, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu." (24) Et Jésus le menaça en disant : "Tais-toi et sors de lui." (25) Et le secouant violemment, l'esprit impur cria d'une voix forte et sortit de lui. (26) Et ils furent tous effrayés, de sorte qu'ils se demandaient entre eux : "Qu'est cela ? Un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Même aux esprits impurs, il commande et ils lui obéissent ! " (27) Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée. (28) Quand la tradition annule la Parole de Dieu ! (Mc 7,1-13) 7 Les pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se rassemblent auprès de lui, (1) et voyant quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c'est-à-dire non lavées (2) - les pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne mangent pas sans s'être lavé les bras jusqu'au coude, conformément à la tradition des anciens, (3) et ils ne mangent pas au retour de la place publique avant de s'être aspergés d'eau, et il y a beaucoup d'autres pratiques qu'ils observent par tradition : lavages de coupes, de cruches et de plats d'airain -, (4) donc les pharisiens et les scribes l'interrogent : "Pourquoi tes disciples ne se comportent-ils pas suivant la tradition des anciens, mais prennent-ils leur repas avec des mains impures ? " (5) Il leur dit : "Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites, ainsi qu'il est écrit : Ce peuple m'honore des lèvres ; mais leur cur est loin de moi. (6) Vain est le culte qu'ils me rendent, les doctrines qu'ils enseignent ne sont que préceptes humains. (7) Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes." (8) Et il leur disait : "Vous annulez bel et bien le commandement de Dieu pour observer votre tradition." (9) En effet, Moïse a dit : Rends tes devoirs à ton père et à ta mère et que celui qui maudit son père ou sa mère soit puni de mort. (10) Mais vous, vous dites : Si un homme dit à son père ou à sa mère "Je déclare korbân (c'est-à-dire offrande sacrée) les biens dont j'aurais pu t'assister", (11) vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour sa mère (12) et vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous vous êtes transmise. Et vous faites bien d'autres choses du même genre." (13) |