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Père
prodigue en abondance, riche en miséricorde et
salut
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Avec le Nouveau Testament, en Jésus, le Père s'approche encore davantage. Et pourtant la croix, « scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Co 1,23b), nous pose question. Nous avons vu que faire la volonté de Dieu nécessite discernement, ce n'est surtout pas une soumission aveugle. Nous avons découvert le visage d'un Dieu, livré à la cruauté des hommes face à leur liberté. Mais que faisons-nous de cette liberté ? « Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice. » (1 P 2,16) Penchons-nous maintenant plus particulièrement sur l'évangile de Luc appelé "l'évangile de la miséricorde". Voyons quel visage du Père se révèle lorsqu'il suscite en nous cette liberté de fils de Dieu, afin que nous soyons sauvés.
Le don du Royaume Cet évangile est le seul des quatre à nous relater certains épisodes sur l'extrême miséricorde du Christ ou du Père. Tout est mis en uvre pour sauver celui qui est perdu. Le Père ne veut pas qu'un seul de ses petits se perdent. Il est celui qui pourvoit à tout. C'est pourquoi il ne faut pas s'inquiéter ni de ce que nous mangerons, ni de ce que nous boirons, ni de quoi nous nous vêtirons (Lc 12,22.29), car le Père sait que nous en avons besoin. Il nous suffit de chercher le Royaume. « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s'est complu à vous donner le Royaume. » (v.32) Ce Royaume qu'il s'agissait de chercher, vers lequel il fallait tendre toutes nos énergies, voilà qu'il vient à nous, qu'il nous est donné. Et le Père se complaît à nous le donner. Tout est gratuité et salut, don du Père. Mais pour ne pas perdre ce don, pour ne pas gaspiller ce trésor, le Père nous prévient sans cesse de nous tenir éveillés.
La patience de Dieu L'attitude du maître de la vigne, devant un figuier stérile, nous révèle la miséricorde de Dieu : elle se fait alors patience en vue du salut de celui qui ne porte pas encore de fruit (Lc 13,8-9). Le vigneron ne s'en prend qu'à lui-même, sans doute n'a-t-il pas fait encore tout ce qui était en son pouvoir ! Il ne rejette pas la responsabilité sur le figuier stérile. Ainsi en est-il du Père et du Fils ; dans une uvre de salut commune, ils gardent l'espérance pour tout homme. Les plus connues des pages de miséricorde de Luc sont celles dites de "l'enfant prodigue" ou de "Zachée". Luc ne se plaît pas à nous détailler l'état de péché des protagonistes. L'accent de ces récits est plutôt mis sur la joie du Père lorsqu'il retrouve celui qui était perdu (15,32 ; 19,10).
La joie du Père miséricordieux Celui qui a dilapidé l'héritage est devenu gardien de porcs, animal impur (Lv 11,7). Il se sent si pécheur qu'il se met plus bas que les serviteurs qui travaillent chez son père. Il ne peut même pas envisager d'être encore appelé fils (Lc 15,17-19). Pourtant son Père pose sur lui un autre regard, il le devance avant même qu'il ait pris la parole : « Tandis qu'il était encore loin, son père est saisi de miséricorde, il courut se jeter à son cou et l'embrassa tendrement. » (Lc 15,20) Il n'est pas accueilli comme esclave mais comme fils restauré dans sa dignité : vêtement, anneau, chaussures en témoignent. (v.22) Selon le maître que nous choisissons de servir, soit nous sommes fils, soit nous sommes esclaves. Le seul maître qui ne nous donne pas le statut d'esclave ou de serviteur, c'est notre Père des cieux. Celui-là fait de nous des fils. Or être fils, n'est-ce pas précisément d'avoir cette liberté inouïe de choisir Dieu notre père pour seul maître ? Luc nous montre non seulement la miséricorde absolue du Père, qui ne tient compte d'aucune faute, mais encore l'élévation immédiate, instantanée de l'état d'esclave à celui de fils ; de fils de Dieu. Là est son uvre de salut, à nous simplement de savoir l'accueillir.
Dieu qui cherche pour sauver Pour Zachée, le salut est donné avec le même empressement. Il ne peut souffrir le moindre retard. Zachée est chef des publicains, riche et petit. A cause de tout cela, Zachée est un exclu, un isolé, qualifié de « pécheur » (Lc 19,7). La foule s'interpose entre Jésus et lui. Il manifeste son désir de « voir » Jésus, et pour cela il n'hésite pas à s'isoler encore davantage en grimpant sur un arbre. Jésus l'invite à descendre pour passer de l'exclusion et de la mise à l'écart à la réintégration, la mise en relation. Cette invitation est pressante, simplement « parce qu'il me faut aujourd'hui demeurer chez toi ». (v. 5) Chez saint Luc nous trouvons souvent l'expression « il faut ». Elle cache en filigrane la présence du Père. Les « il faut » chez Luc sont exprimés en Jean par « faire la volonté du Père » (Jn 6,38-39). Ces « il faut » ont un lien avec la mort et la résurrection du Christ et avec l'accomplissement des écritures. Jésus n'est ici auprès de Zachée que l'envoyé du Père qui vient chercher celui qui était perdu. Le mot « demeurer » rappelle la Demeure qui, dans le désert, accompagnait les fils d'Israël de sa présence. Si, à travers Jésus, le Père demeure auprès des hommes pécheurs que nous sommes, c'est uniquement pour accomplir son uvre de salut. « Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison. » (Lc 19,9)
Pour poursuivre la réflexion Repérons les « il faut » chez Luc (2,19 ; 9,22 ; 17,25 ; 22,37 ; 24,7 ; 26,44) et voyons comment ils éclairent Lc 19,1-10. Comment Jésus, en Lc 19,1-10, obéit-il au désir du Père, et le comble ? En Zachée, Jésus ne découvre-t-il pas la brebis perdue (Lc 15,6) que le Père cherche ?
Texte biblique Les trois paraboles de la miséricorde (Lc 15,1-32) 15 Cependant tous les publicains et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. (1) Et les pharisiens et les scribes de murmurer : "Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! " (2) Il leur dit alors cette parabole : (3) "Lequel d'entre vous, s'il a cent brebis et vient à en perdre une, n'abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour s'en aller après celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée ? (4) Et, quand il l'a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules (5) et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit : "Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, ma brebis qui était perdue ! " (6) C'est ainsi, je vous le dis, qu'il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt- dix-neuf justes, qui n'ont pas besoin de repentir. (7) Ou bien, quelle est la femme qui, si elle a dix drachmes et vient à en perdre une, n'allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu'à ce qu'elle l'ait retrouvée ? (8) Et, quand elle l'a retrouvée, elle assemble amies et voisines et leur dit : "Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, la drachme que j'avais perdue ! " (9) C'est ainsi, je vous le dis, qu'il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. " (10) Il dit encore : "Un homme avait deux fils. (11) Le plus jeune dit à son père : "Père, donne-moi la part de fortune qui me revient." Et le père leur partagea son bien. (12) Peu de jours après, rassemblant tout son avoir, le plus jeune fils partit pour un pays lointain et y dissipa son bien en vivant dans l'inconduite. (13) Quand il eut tout dépensé, une famine sévère survint en cette contrée et il commença à sentir la privation. (14) Il alla se mettre au service d'un des habitants de cette contrée, qui l'envoya dans ses champs garder les cochons. (15) Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, et personne ne lui en donnait. (16) Rentrant alors en lui-même, il se dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de faim ! (17) Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : "Père, j'ai péché contre le Ciel et envers toi ; (18) je ne mérite plus d'être appelé ton fils, traite-moi comme l'un de tes mercenaires." (19) Il partit donc et s'en alla vers son père. Tandis qu'il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa tendrement. (20) Le fils alors lui dit : "Père, j'ai péché contre le Ciel et envers toi, je ne mérite plus d'être appelé ton fils." (21) Mais le père dit à ses serviteurs : "Vite, apportez la plus belle robe et l'en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. (22) Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, (23) car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! " Et ils se mirent à festoyer. (24) Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il fut près de la maison, il entendit de la musique et des danses. (25) Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que cela pouvait bien être. (26) Celui-ci lui dit : "C'est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu'il l'a recouvré en bonne santé. (27) Il se mit alors en colère, et il refusait d'entrer. Son père sortit l'en prier. (28) Mais il répondit à son père : "Voilà tant d'années que je te sers, sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau, à moi, pour festoyer avec mes amis ; (29) et puis ton fils que voici est arrivé, après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras ! " (30) Mais le père lui dit : "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. (31) Mais il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! " (32) |