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Actualité
des Pères de l'Eglise
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Voilà soixante ans que les Sources chrétiennes travaillent à montrer la place que tiennent les Pères de l'Eglise dans le mouvement actuel des idées. Si l'on en juge par la dynamique de ce congrès, il semble qu'elles ont atteint leur but. Pas un instant, (ou presque : recherche scientifique oblige !) on n'a eu l'impression de se trouver parmi des intellectuels désincarnés ni parmi des historiens du passé. C'est le présent, lourd de la mission actuelle de l'Eglise, qui était convoqué au Futuroscope dans la grande salle du Palais des Congrès. Il est difficile en effet de se faire une idée de la violence des querelles qui ont enflammé la chrétienté au IV° siècle à propos de la nature du Christ au sein de la Trinité. Deux mondes, deux pensées se sont affrontés avec une violence inouïe qui a mis en péril l'unité de l'Eglise. Le risque couru, si l'on suivait Arius, était de mettre le Fils en subordination du Père, d'en faire un inférieur, et, ce faisant, de nier sa divinité. En revanche, on se faisait taxer de "tri-théisme" (ce que les musulmans nous reprochent, d'autant plus vivement d'ailleurs qu'ils vont parfois jusqu'à dire que les chrétiens incluent Marie au sein de la Trinité) si l'on affirmait, selon le Credo de Nicée, l'égalité absolue, la " consubstantialité " du Père et du Fils. La querelle se jouait parfois sur des mots, même sur des lettres. Elle n'avait cependant rien de dérisoire, car elle révélait l'importance, pour les esprits rompus à la philosophie grecque, " d'inculturer" la foi chrétienne, c'est-à-dire de lui donner une structure philoso-phique sans laquelle elle aurait été rejetée par tous les esprits cultivés du temps. Déjà à l'époque, on voit s'opposer une démarche inductive, partie de l'Ecriture, enracinée dans une vie de foi, typique du monde oriental, et une démarche spéculative, déductive, propre à l'esprit occidental. Le génie d'Hilaire de Poitiers aura été de faire la synthèse entre ces forces conflictuelles et de ne pas tomber, en outre, dans les pièges que les implications politiques du conflit tendaient à tous les " belligérants". Si ce dernier aspect de la question ne nous touche plus beaucoup, celui de la révision de nos schémas de pensée, au contraire, est des plus actuels. Nous avons fonctionné selon un mode spéculatif issu de la philosophie grecque pendant si longtemps que nous sommes un peu désarçonnés, peut-être, par les bouleversements que le dialogue inter-religieux, entre autres, vient aujourd'hui apporter à nos habitudes de pensée. Mgr Dagens nous a montré qu'il pouvait être aussi difficile au IV° qu'au XXI° siècles de relever le défi de la foi. " S'affirmer chrétien est une épreuve de vérité." Pour Hilaire, dit-il " la découverte du verbe fait chair est un accomplissement de son humanité, une nouvelle naissance, scellée dans la foi de l'Eglise. La cause de Dieu et la cause de l'homme sont inséparables depuis l'union de ces deux causes en l'homme-Dieu." Hilaire nous invite à ne jamais oublier l'humanité de Dieu révélée en Jésus Christ. Insistant sur le " paradoxe trinitaire", le Père Sesbouë a montré que " le combat pour l'unicité du médiateur est le combat majeur de notre époque". C'est en effet l'universalisme chrétien (pour reprendre le titre du colloque organisé par la Faculté de théologie de Lyon du 30 janvier au 1° février prochains) qui est en question. " Nous croyons en effet qu'un homme particulier, apparu dans l'histoire, embras-se l'universalité, car l'unicité du Christ médiateur est solidaire de sa divinité." Aujourd'hui, au lieu d'un unique sauveur, on voudrait une pluralité de médiateurs. Or, le Sauveur est unique parce que Dieu est unique. Toutefois, si nous voulons être compris, "plus la prétention chrétienne est exorbitante, plus nous devons la proposer avec une charité discrète." Mgr Rouet, actuel évêque de Poitiers, avec le dynamisme qui le caractérise, a traité de la charge épiscopale de l'Evêque, lequel, à ses yeux, se trouve "plus proche des questions, mais plus éloigné des réponses". Il a montré que la tension entre l'attachement frileux au passé et l'engage-ment vers des voies nouvelles est de tous les temps. L'arianisme, en fait, est un intégrisme. Quel déplacement doit effectuer un esprit issu aussi bien du monde juif que du monde grec, pour croire en l'humanité de Dieu ! Nous sommes tous acculés au "devoir de penser". Il ne suffit pas de "penser contre pour penser juste". Dieu est la grande question de l'homme, une question qu'il faut toujours maintenir ouverte. Seule, la parole de Dieu nous permet cette ouverture : elle n'est pas un exposé d'exigences éthi-ques. C'est une parole qui déchire un voile, qui fait naître, qui transforme chaque être en prophète de liberté. Tels sont, trop brièvement résumés, quelques aspects d'un très riche enseignement. Ceux qui sont vraiment intéressés par ces questions, que ce soit celle de l'universalisme chrétien ou de l'actualité des Pères, peuvent demander à participer aux journées de formation que le SEDIF organise pour les libraires Siloë. Je vous renvoie pour cela aux tracts et au programme. Nous avons du pain sur la planche en ce début d'année si nous voulons honorer ce "devoir de penser", sans nous en faire une montagne, sans croire qu'il est réservé à une élite ou à une minorité : pour les chrétiens, c'est une nécessité vitale. Catherine Marès |