Sedif-nimes

Dialogue interreligieux

Fiche n° 2bis

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Fiche n° 2bis

Point de vue du théologien

Il s'agit de repérer, du point de vue d'un théologien catholique, les problèmes spécifiques de la rencontre entre Bouddhisme et Christianisme en axant la recherche sur la question du salut.

1. L'Occident à la découverte du bouddhisme

Trois attitudes typologiques :

- L'attitude humaniste : Le bouddhisme est compris comme facteur essentiel de civilisation pour une grande part de l'humanité. On explore le phénomène religieux, sans s'interroger sur sa validité.

Cela se situe au moment où la science s'émancipe de la tutelle de l'Église et où émerge une vision de l'humanité considérée comme un tout. Le bouddhisme, dans sa multiplicité, apparaît comme méritant d'être respecté et étudié.

- L'attitude "bouddhisante" : On découvre des convergences entre Jésus, Gautama, Lao-Tseu. On veut une religion débarrassée des dogmes (A. Huxley). Le bouddhisme fascine : nombreux sont ceux qui y puisent une spiritualité qui les nourrit et qui est un substitut valable d'un christianisme déclinant. (Schopenhauer et Nietszche).On s'écarte du bouddhisme asiatique : le but de la vie n'est plus la délivrance, mais l'acceptation ; le Nirvana se trouve dans l'acceptation du Samsara. On libère l'homme du poids d'un acteur transcendant. Le bouddhisme a été défiguré en s'occidentalisant.

- L'attitude chrétienne : (relire Nostra ætate.)

- pour une part, elle coïncide avec l'attitude humaniste et retient la possibilité de s'affranchir des chaines de la causalité ;

- elle est différente de l'attitude bouddhisante car elle pointe les incompatibilités : le bouddhisme est, pour elle, un "athéisme"… même si théisme, athéisme, n'ont aucun sens pour un bouddhiste.

L'intérêt de beaucoup pour le bouddhisme provient de la confusion qu'ils font entre christianisme et théisme.

L'attitude chrétienne : on ne peut ignorer toutes les richesses humaines du message du Bouddha qui sont signes de l'action de Dieu pour l'homme. L'Église reconnait au bouddhisme un rôle historique dans l'histoire du salut et cela pose des questions théologiques. R. Guardini (1946) considère Socrate et Bouddha comme des précurseurs de Jésus à l'instar de Jean le Baptiste…

2. Réflexion théologique

1.1. Cela soulève deux points chauds :

a) Le problème de Dieu (ou de la réalité qu'on met derrière ce mot) : Dieu ne peut être, à la fois, une réalité inconditionnée et une réalité relationnelle… Pour le bouddhisme, un être au-dessus du Samsara est impensable ; de même, l'idée que Dieu se révèle en se communiquant est incompatible avec le bouddhisme.

L'altérité de Dieu n'est pas pensable… Or, la communication de Dieu en christianisme, c'est le salut, le partage de sa propre vie...

b) Le problème du salut de l'homme : Pour un bouddhiste, l'insistance chrétienne sur le mystère de la personne humaine est difficilement compréhensible. Seul l'instant présent existe véritablement, mais de façon éphémère, donc il ne faut pas s'y attacher sous peine d'y trouver de la souffrance.

Pour un chrétien, la personne humaine se définit par :

- son caractère unique : elle est appelée à la vie éternelle,

- la part d'histoire concrète qu'elle accueille en Dieu.

(C'est peut-être là que se trouve la différence entre la méditation et la prière : la prière étant un dialogue après mise en présence d'un Autre, dialogue qui porte, non sur moi, mais sur cette part du monde étoffée d'histoire avec laquelle je suis en relation.)

- le fait qu'elle est investie d'une mission qui la personnifie communautairement.

Il nous faut être à l'écoute de ce que les bouddhistes détiennent de vérité : ainsi "perdre sa vie" a un sens en sagesse bouddhiste.

2.2. A partir de là, nous pouvons nous lancer sur quatre pistes :

a) nous reporter à l'attitude des Pères de l'Église en face du néoplatonisme (Plotin) : même séduits, ils ont su marquer la différence. Le néoplatonisme a une vision négative du corps suivant laquelle il nous empêche de remonter vers l'Un… or le salut consiste à accompagner Dieu dans sa kénose (descente vers l'homme).

Leur travail pourrait être instructif pour nous aujourd'hui.

b) Rechercher une compréhension mutuelle sur certains thèmes :

- qu'est-ce que la renonciation au moi ? une attitude éthique ou davantage ?

- qu'en est-il de la Trinité où la troisième personne est une"relation personnifiée" ?

c) Revenir à l'usage de la théologie "négative" ou apophatique dans laquelle, plutôt que d'essayer de dire ce que Dieu est, on dit ce que Dieu n'est pas. Faire un travail sur le discours théologique lui-même et son usage de l'analogie.

d) Travailler à une typologie dynamique des religions (cf. P. Tillich). Les religions ont toutes à faire à une expérience du sacré mais la gèrent différemment. Il importe de travailler sur les proximités : il y a quelque chose de l'expérience chrétienne du sacré dans le bouddhisme et réciproquement.

Ainsi le dialogue avec le bouddhisme entraînera un "dialogue avec nous-mêmes" : le dialogue interreligieux commencera par un dialogue intrareligieux.

Conclusion

1. Nous voyons mieux maintenant les difficultés qui surgissent dès qu'il s'agit de comprendre une autre religion. Cela nous impose à la fois l'ardeur et la prudence. L'ai-je bien comprise ?

2. Approfondir en même temps la religion des autres et la mienne.

3. Dieu est toujours plus grand que l'idée que nous avons de Lui et Il dépasse le langage dont nous disposons pour Le dire. Nous sommes appelés à nous laisser "dépouiller".

(Synthèse d'après l'exposé du Père Jean-Marc Aveline)