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Le language
symbolique et l'annonce de la foi
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Cela ne veut pas dire que leur objectif se limite au petit nombre de ceux qui participent effectivement à cette célébration, ni qu'il est essentiellement liturgique et cultuel. Je voudrais en effet, dans cet article, essayer de répondre à une objection que j'ai souvent entendue depuis que nous avons tous pris connaissance de cette décision : "Pourquoi mettre l'accent sur la veillée pascale alors que si peu de gens y vont ?" Comment catéchiser les communautés chrétiennes à partir d'une réalité qui reste souvent étrangère à leur vie de foi ? Comment atteindre ceux qui restent dehors ? La veillée pascale n'est rien d'autre que le déploiement, dans toute la splendeur des signes et des symboles litur-giques, de cette réalité que nous célébrons à chaque eucharistie, à travers la Parole qui nous constitue en Eglise : "Christ était mort, Il est ressuscité, nous en sommes témoins". Sans doute faut-il distinguer deux choses : le contenu du message et la façon de le dire. L'urgence, c'est de dire que le Christ est ressuscité. La difficulté, c'est le langage. Comment dire cette réalité constitutive de notre foi aux hommes d'aujourd'hui ? La liturgie est-elle encore un moyen adapté à l'annonce de ce message ? Si l'on s'en tient à une vision objective, il est bien évident que non. Cela peut paraître désuet, dépassé, à mille lieues des préoccupations de nos contemporains. En outre, cela revient à ne dire la Bonne Nouvelle, l'Evangile, qu'à la petite élite de ceux qui assistent à la Messe, sans toujours bien comprendre d'ailleurs ce qui s'y effectue. Il me semble que notre situation ressemble, par bien des aspects, à celle de l'Eglise des premiers temps. Ce que les apôtres ont dit, c'est la résurrection du Christ. L'évènement a totalement bouleversé la vision qu'ils avaient eue de lui pendant sa vie. C'est à cette lumière qu'ils l'ont relue et racontée. Tous ses actes, tous ses gestes prenaient une dimension nouvelle. Transmettre le message était pourtant bien difficile ! Rappelez-vous comme les Athéniens ont été dans l'impos-sibilité d'entendre un tel langage. Comme nous nous sentons proches de saint Paul parlant sur l'agora à des grecs incapables de le comprendre ! Le Christ ressuscité échappe aux catégories de l'espace et du temps, il n'est plus exclusi-vement perceptible par les organes de nos sens, même s'il se laisse encore toucher (par Thomas), mais non retenir (par Marie-Madeleine), même s'il mange avec ses apôtres. Comme le dit le Père Voillaume : "Le royaume de Dieu n'est pas de ce monde. Avec nos cinq sens, nous ne pouvons pas connaître directement le monde spirituel où règne l'amour. C'est à travers l'humanité transfigurée du Christ que nous pouvons aller au-delà de cette bulle d'existence où tout est conditionné par l'espace et le temps." Là est la difficulté de l'annonce de l'évangile. Nous n'avons pas d'autre réalité à évangéliser que la réalité quotidienne. Toute notre vie "spirituelle" est "elle-même charnelle". La vie de ressuscité, n'allons pas croire qu'elle est pour l'au-delà, pour plus tard, quand nous aurons enfin quitté notre "dépouille terrestre". Non ! La Résurrection, c'est pour tout de suite, du moins partiellement. Le Royaume des cieux est au-dedans de nous. La source jaillit maintenant en nous, elle jaillit en vie éternelle à travers "l'humanité transfigurée du Christ". De tous les langages capables de rendre compte d'un mystère, le plus expressif, le plus parlant, le plus immédiatement compréhensible est le langage symbolique. C'est le seul qui puisse laisser entendre l'indicible, entrevoir l'invisible, puisqu'il a pour fonction de rabouter le matériel et le spirituel, le connu et l'inconnu, le temps et l'éternité. Même les hommes les moins doués pour exprimer leurs sentiments peuvent "le dire avec des fleurs". Nous sommes acculés, nous autres chrétiens, à dire le mystère. Or le mystère, c'est précisément ce qui ne peut pas être dit avec des mots rationnels. Les réalités de la foi sont d'un autre ordre que celui du tangible, du visible. A quoi servirait de dire le mystère s'il n'était pas partie intégrante de notre vie ? Lorsque le tangible, le concret, le matériel prennent toute la place dans la vie d'une société, il est difficile de laisser entrevoir et d'exprimer le mystère. C'est pourquoi l'humanité du Christ et l'humanité de ce grand corps du Christ qu'est l'Eglise se disent à travers des symboles. Ils se disent dans la célébration liturgique. Celle de la nuit pascale les rassemble tous. Dans les différentes réunions que le Conseil d'orientation du SEDIF proposera pour entrer dans cette démarche si importante pour l'annonce de l'Evangile, il sera question, entre autres, de ce langage symbolique. Puissent ces quelques lignes vous donner envie de partir à la découverte de ce que la liturgie peut aujourd'hui dire aux hommes de notre temps. Ainsi pourrons-nous aiguiser notre perception des choses spirituelles en les mettant de plain-pied avec les réalités de notre vie quotidienne. Comme les Grecs lorsqu'ils raboutaient entre eux les morceaux du "symbole" qu'ils avaient cassé en se séparant, nous nous mettrons en route vers cette unité intérieure qui est notre chemin de vérité et de paix. Nous pourrons la proclamer avec joie. L'enjeu n'est pas notre salut à nous, mais le salut du monde. Proclamer la résurrection du Christ dans l'action liturgique, c'est la faire advenir aujourd'hui et pour tout l'univers. Catherine Marès |